Article de Vincent Mahaud, qui relate son aventure au championnat de France !

En préambule, et au vu de la nature du résultat, je vais être prolixe sur le cheminement, les évènements qui m’ont permis de vivre cette aventure.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’origine de cette aventure est le fruit d’un défi que je me suis lancé il y a 2 ans jour pour jour lors d’une hospitalisation de 12 jours, loin de tout terrain de jeux et de sport de quelque nature que ce soit, nous étions alors en 2021. Sachant que sur l’année 2022/2023 je devais être M4, je m’étais promis de tout mettre en œuvre pour essayer d’aller au championnat de France simple 2023, promesse qui allait être "moteur" et motivante durant une année de convalescence. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, une fois mon problème de santé résolu, après une reprise de l’entraînement, une préparation physique, un suivi médical ortho, kiné, après avoir réussi la phase départementale et la phase ligue Nouvelle-Aquitaine, j’ai pu vivre l’aventure qui va suivre...

 

LE DEPLACEMENT

Vendredi 25 Aout 2023.
Après 4 mois de préparation physique, d’entraînements réguliers (merci à tous les sparring-partners du club, William, Jean-Michel, mes amis de Saujon Jean-Claude et Patrick(s)), après avoir préparé une liste de tout ce à quoi il fallait penser avant et pendant la compétition (déplacement, hôtel, ravitaillement, logistique - merci Stéphane pour tes conseils), départ 6h de Saintes, en mode "commando", c’est-à-dire seul. C’était une volonté de ma part, être seul, ne pas me disperser et rester focus sur la compétition pour, quel que soit le résultat, ne pas avoir de regret et mettre toutes les chances de mon côté.
Après 6h de route, arrivé à Bourg-En-Bresse, pour un arrêt chez Decathlon… En effet, nous sortions de la canicule, et vous n’allez pas le croire, mais je n’ai pas du tout pensé à prendre un survêtement chaud et des vêtements de pluie… Et en arrivant à Bourg-En-Bresse, il pleuvait beaucoup, il faisait frais, et il pleuvra beaucoup durant tout le week-end. Anecdotiquement parlant, ce sera le seul oubli de tous mes préparatifs.
Un bon plat de pâtes dans la foulée, et direction la chambre d’hôtel pour effectuer tous les repérages en termes de déplacement des 2 sites de la compétition. En effet, les M4 effectueront leur barrage et les 16eme sur un site annexe à 2Km du site principal. Prise de contact avec les organisateurs, tous souriants, disponibles, sympathiques. Inscription auprès des délégués, puis repos à la chambre d’hôtel jusqu’au lendemain.

LA COMPETITION

Samedi 26 Aout 2023.
Après une nuit bien longue durant laquelle j’ai vu défiler chaque heure de la nuit sur mon téléphone, début de la compétition à 7h30 pour la 1ère partie de poule, le temps est très incertain, le fond de l’air est très humide. Je joue face à un jeune joueur chaleureux et sympathique, Flavien Enria, du département de l’Ain, spécialisé dans le point, tirant uniquement lorsque c’est nécessaire et très adroit dans cet exercice qu’il n’effectue pas assez je trouve. Je fais une partie très moyenne, pleine de stress, de crainte, de questionnement. Je commence à jouer "petit bras", mené 0-3. Puis je démarre enfin, 8-3. Une baisse de régime 8-7, puis fin de partie équilibrée et pour finir une victoire 11-9 au temps.

11h30, la 2ème partie de poule débute sous une pluie très soutenue et une température qui s’est rafraichie (je ne regrette pas mes achats de la veille…). Je joue contre Youssef Kariouh, du département de l’Isère. Malgré le temps rendant la situation très compliquée, je commence la partie avec un très bon niveau, je prends très bien le terrain au point, et je tire très bien (6/7) malgré parfois une pluie battante. La partie est assez équilibrée. Je gagne 13-7, après cependant 2 faits de jeux. Un 1er fait, au moment de tirer une boule à 16m, face au public, alors que je suis élancé et que je vais lâcher ma boule, une dame sort et agite un sac jaune face à moi pile dans mon champ de vision. Je garde la boule dans ma main en passant la ligne de pied de jeu. Je montre la personne, mon adversaire me regarde surpris, et je me tourne vers l’arbitre. Celui-ci a tout vu et m’autorise à repasser la ligne et à pouvoir tirer. Je fais trou, je m’agace, je me dis qu’il ne faut pas sortir de la partie, j’ai une 2ème chance, je frappe, je marque, ouf… 2ème fait de jeu, toujours face au public, mon adversaire va tirer ma boule, fait casquette, ma boule se déplace de quelques centimètres en déplaçant le but. La marque du but au sol n’est pas effacée, je le remets en place, je conserve le point, mon adversaire valide la situation. Je vais jouer ma dernière boule, et pendant ce temps, le public de mon adversaire fait monter la pression en indiquant qu’il devrait avoir le point, que je n’aurai pas remis le but à la bonne place malgré les marques non effacées. Après avoir joué ma dernière boule, mon adversaire veut déplacer le but, je me montre ferme en lui précisant que la marque du but n’avait pas été effacée durant son tir, qu’il l’avait constaté, je ne me suis pas laissé faire, il n’a pas insisté. Ambiance glaciale jusqu’à la fin de la partie. Ça parle dans le public, mais nous irons quand même partager un verre à la fin de la partie.
Ayant gagné mes 2 parties, je termine 1er de poule et je reprends à 17h30. Je dispose de 4h30 de repos qui me permettent de déjeuner tranquillement et de retourner à l’hôtel où j’essaierai de faire une sieste sans succès.

16ÈME DE FINALE, 17h30, le temps s’est calmé, très couvert, mais pas de pluie, il en sera ainsi toute la partie. Je joue contre Grégory Changeat, un Ardéchois, qui m’impressionne durant l’échauffement, il n’en manquait pas une, et cela se confirmera durant la partie (il m’a confirmé être un ancien National). En début de partie, j’étais très inquiet et il y avait de quoi. Durant 1h30 nous avons tout mis dans le but, et pratiquement tapé lui et moi tout ce qui se présentait à nous. Durant 1h30, nous n’avons fait que des mènes à 1 point. J’ai mené durant toute la partie, jamais plus de 2 points d’écart. A 3 minutes de la fin du temps, il passe devant 7-8. Il jette le but, met une boule 30 cm derrière le but, la fin du temps est sifflée. Je pointe ma 1ère boule, trop forte de 80 et elle a la mauvaise idée de trainer le but dans sa boule à 3cm. Je ne peux pas tirer le but, et j’ai ma boule pointée derrière la sienne. Je décide de pointer pour serrer le jeu par devant, réduire l’aire de jeu, et avec l’espoir de tirer ensuite. Un miracle va se produire. Je pointe et ma boule vient se poser en douceur sur sa boule et le but, le tout à 16m avec un léger dévers. Le point est repris, incroyable ! Lui comme moi, à ce moment de la partie, nous n’y croyons pas, devant un arbitre de la Corrèze qui ne ratait pas une miette de notre partie. A ce moment-là, mon adversaire va commettre une faute de jeu, je pense sous le coup de l’émotion lié à cette situation. Il décide de pointer, alors que le but colle ma boule, s’il tire (et il n’a fait que 2 trous dans la partie), le but est sûr de sortir. Il décide de pointer, rate, décide de tirer, rate, pointe, rate. Egalité parfaite 8-8, mène à but non annulable. Le but est au milieu du jeu à 16m50. Je pointe ma boule à 30 à gauche, il fait biberon, je frappe. Il pointe, évite de justesse ma boule et se met juste derrière, je conserve le point, il repointe à l’identique, ses 2 boules sont ensemble derrière, et je conserve le point. Et de sa dernière, il fait biberon… en poussant le but de 5 cm, il se retrouve donc avec 3 points, un biberon et 2 boules à 20cm… il me reste 2 boules. J’annonce le but, il faut qu’il sorte. Avant de tirer, je suis conscient que c’est peut-être une des dernières boules que je joue dans la compétition. Je m’élance, je tombe 30 cm devant la boule, le coup est valide, le but va mourir juste derrière la ligne de perte, victoire 9-8. L’Arbitre vient nous voir pour nous remercier de la partie de nous venions de produire. Ce sera pour moi la plus grosse partie du Week-End.
Dimanche 27 Aout 2023
8ÈME DE FINALE
à 8h après une nuit où, nette amélioration, je ne me suis réveillé que toutes les 2 heures. Le temps est très incertain, et il va souvent tomber de bons grains comme disent les marins. Non abordé jusqu’à maintenant, la qualité des jeux est extraordinaire, sur tous les plateaux, de vrais jeux de clos d’excellente qualité, et très bien drainés. Il a beau pleuvoir, mis à part les alourdir un peu, ils restent très bon. Je joue contre Bernard Grégoire, un sympathique joueur du département du Rhône. Je fais un excellent début de partie à l’inverse de mon adversaire. Je pointe très bien au début et tire très bien toute la partie (5/5 1c), 9-0 en 3 mènes. Puis je m’écarte un peu au point, mon adversaire se remet en selle, cela s’équilibre, il me laisse une ouverture pour mettre le 13ème dans un trou de souris, victoire 13-5.

QUART DE FINALE Après 45min de pause, le quart de finale à 10h15 contre Julien Duclaux, un Clermontois. Le temps est toujours chargé, il pleut par intermittence, changeant continuellement les conditions de point. Dès qu’il pleuvait il fallait penser à forcer plus que de nature la boule au point pour qu’elle puisse arriver au but, et dès que l’eau était absorbée, il fallait pointer normalement, un yoyo continuel durant 1h30. Ce terrain, en particulier, était très gondolé, rendant le point encore plus incertain pour lui comme pour moi. Ce fut ma plus mauvaise partie, pour mon adversaire aussi je pense, et le tir aura fait la différence (il ne frappera qu’une boule dans la partie, je gagne 13-10. Durant la partie j’ai senti la fatigue monter et arriver une baisse de régime. Avec observation, je pense que c’était le cas de beaucoup de joueur au vu de la lourdeur des terrains liée à la pluie et du fait que nous avions tous entre 7h30 et 9h de jeu dans les jambes. Il y a une phase marathon dans cette compétition à laquelle on pense et pour laquelle on se prépare, et face à laquelle on ne sait pas comment on va se comporter lorsqu’on y est confronté et ce malgré toute la préparation.
Ayant terminé à 12h10, je dispose d’une pause d’1h30, suffisante pour se faire en mode camping une bonne assiette de pâte (pas le temps de trouver un restaurateur, et sur place, seules les frites étaient de mises).

DEMI-FINALE à 13h45, alors que l’organisation nous annonce la fin de la pluie à 14h, celle-ci redouble de violence par intermittence et ne s’arrêtera pratiquement jamais de la partie. Elle veut faire partie de la fête et veut laisser sa trace dans la compétition. Je joue contre Maurice Camuzet, du département du Rhône. Malgré une fébrilité physique à l’entrainement, je suis présent et fait un très bon début de partie, je mène 4-0. Arrive une 1ère mène à regret. Mon adversaire n’a plus de boule, fait le point de sa dernière à 30 du but. Je tiens 2 fois en second (avec une de mes boules présente à 1m50 derrière la sienne résultant d’un carreau). Il me reste 2 boules. Je tire, je suis moitié boule à gauche 40 devant. Je rebondis, ne touche pas sa boule et enlève une de mes boules… je retire, je frappe la boule au pied. Sur un terrain bien gras, elle bouge de 50 cm vers la gauche, il garde le point. Dans cette mène j’aurai pu, dû, marquer 3 points. Mais nous sommes 4-1 au lieu de 7-0. La partie s’équilibre alors. Mon adversaire tire très peu (jamais sur une boule à plus de 20 cm du but), et pointe, encore et encore et encore. Les conditions, les terrains sont propices à ce type de tactique, à la recherche de l’appui, du "bec", et il pointe bien. La fatigue me gagne, mais je résiste tant bien que mal. 2ème mène à regret, j’ai une ouverture avec une frappe pour 3 à 9-9. Je rate mon tir et ne marque qu’un point 10-9 au lieu de 12-9. Là c’est la fatigue, malgré la motivation, malgré l’envie de bien faire. La mène suivante il marque 2 points, 10-11. Fin du temps réglementaire, mais le but vient d’être jeté. Nous jouons. De sa dernière il fait biberon. J’ai une boule à 20 à gauche, il me reste 3 boules. Il faut que je frappe et mette un point. Je commence par 2 vilains trous, il me reste une dernière boule et… je frappe, 11-11, mène à but non annulable… Je jette le but à 16m milieu jeu, ma 1ère est 50 derrière, je lui laisse l’ouverture, il se met à 3cm à droite du but… je tire, trou. Je pointe, je me mets 15 devant sans cacher la sienne, je retire… trou.

Fin de l’aventure, après 3 phases de compétition, 17 parties, 2 défaites, une en phase de poule Régionale contre Sébastien Hasselwander, futur Champion de France Quadrette M4 2023 et la 2ème contre Maurice Camuzet du Rhône, futur Champion de France Simple M4 2023.

MES SENTIMENTS
Mes premiers sentiments sont composés d’amertume et de frustration. Il me manquait une à deux heures de jeu physiquement, après 9h sur les terrains lors des 30 dernières heures. Amertume, car à 4-0, dans certaine situation cette boule part, je monte à 7-0 et cela n’aurait peut-être pas été la même partie. Frustration, car j’ai la boule pour monter à 12 à 5min de la fin du temps réglementaire. Trop d’occasions gâchées. Les regrets resteront.
En même temps, je me dis aussi que j’ai pu atteindre les demi-finales en ayant eu droit à mon miracle avec ma boule pointée en 16ème de finale effectuant une reprise sur une boule à 3cm dans une situation pratiquement désespérée. Il y a comme un équilibre qui s’applique.
Avec un peu de recul, j’éprouve aussi une belle satisfaction d’avoir atteint les demi-finales. Cette compétition, je l’ai préparée durant 4 mois, en y pensant tous les jours. Dès ma qualification, j’ai appelé Stéphane Mouton pour avoir des conseils, qui m’ont été utiles dans le déroulement de ces 2 jours de compétitions. Ce résultat est le fruit de beaucoup d’investissement personnel, en ayant essayé de réduire les faits de hasard, les imprévus et rester dans la maîtrise. Et cela a peut-être un peu payé, malgré une part de chance incompressible qui apporte l’imprévisible, et fait basculer le résultat d’un côté ou de l’autre, c’est ce que nous appelons le jeu. Malgré tout, on ne devient pas Champion de France par hasard ce qui amplifie le mérite de ceux qui le deviennent.

J’AI AIMÉ - JE N’AI PAS AIMÉ.
Je n’ai pas aimé…
L’attente seul, bien que je pense que la solitude m’était nécessaire,
Cette boule au ventre présente durant 2 jours,
Ce sentiment d’avoir toujours faim lors des parties m’obligeant à m’alimenter toutes les 2 mènes,
La pluie trop présente, parfois trop intense.

J’ai aimé…
L’organisation, l’accueil des organisateurs, des délégués ;
Le cadre, le site, superbe !
La qualité des terrains, de vrais jeux de clos à l’ancienne, superbe !
Les sensations dans le jeu, le plaisir du jeu, être bien physiquement (jusqu’au dimanche 11h) ;
Le temps couvert évitant le soleil de plomb (sans pluie cela aurait été parfait).

MES REMERCIEMENTS.
A ma famille, merci Mélanie d’avoir accepté ma qualification alors que cette compétition se déroulait lors d’un évènement familial qui comptait pour toi.
A tous ceux qui m’ont aidé dans ma préparation physique, et à qui j’avais exposé mon projet avant les phases qualificatives, le Dr Costa, mon kiné Arnaud Barrière, M Calvo, Mme Olivié, pour un sportif amateur… cela fait pas mal d’intervenant.
A tous mes coéquipiers de club Sport-Boules Saintes, pour les entraînements quotidiens, j’en ai déjà cité certains, j’en ai oublié, mais ils se reconnaîtront. Merci à eux.
A tous ceux qui m’ont soutenu durant ces 3 jours avec leurs messages de soutien, d’encouragement qui m’ont apporté beaucoup d’ondes positives, Luc, Jacky, Jean-Mi, Manu, Jean-Claude, Patrick(s), William(s), Nico, Jean-Louis, Sébastien, Josette, Christian, Patrick notre président, "Angoulins", Stéphane notre champion, mon pote Julien, et tous ceux que j’oublie mais qui ont participé à la réussite de cette aventure.

ET POUR FINIR...
Je m’étais toujours dit que si un jour j’avais une tribune ou une occasion unique, et n’étant pas sûr d’avoir à nouveau l’occasion de le faire en lien avec un tel résultat, je souhaiterai exprimer une pensée spéciale pour les personnes suivantes qui m’ont formé, fait confiance et ont fait que j’ai pu et que je puisse vivre d’intenses moments sportifs :
Mon père, Michel Mahaud,
Pierre Avoustin,
Michel Thévenet,
Jean-Louis Bouchet,
Robert Mouton.